lundi 9 mai 2011

Gaël m “Murambi, le livre des ossements”…

Parce que “j'ai moi-même souvent vu à la télé des scènes difficiles à supporter. Des types portant de larges combinaisons, en train d'extraire des corps d'un charnier. (…) Cela se passait toujours si loin, dans des pays à l'autre bout du monde. Mais en ce début d'avril 1994, le pays à l'autre bout du monde, c'est le mien”…
Parce que “l'essentiel pour chacun de nous est de ne pas passer à côté de sa vérité. Le reste… eh bien, le reste ne compte pas”…
Parce que “les troupes étrangères de l'opération Turquoise avaient campé, en toute connaissance de cause, au-dessus des charniers. C'étaient là de bien mauvaises manières. Avait-on donc cru, en agissant ainsi, qu'il manquait aux morts de Murambi le petit rien qui en faisait des êtres humains, avait-on cru qu'il leur manquait une âme ou quelque chose du genre ?“…
Parce que “près d'un million de morts en si peu de temps, c'était réellement unique dans l'histoire de l'humanité”…
Parce qu'après un génocide, seul l'art peut essayer de redonner du sens…
Parce que “Murambi, le livre des ossements” permet aussi de mesurer la responsabilité, souvent occultée, des puissances occidentales dans les grandes tragédies africaines…
Pour toutes ces raisons, et bien d'autres encore, il convient de lire l'ouvrage de Boubacar Boris Diop.
À déguster avec un kasiksi (bière issue de la fermentation de bananes) pour supporter un sentiment de malaise persistant.
“Murambi, le livre des ossements”, Boubacar Boris Diop, Éd. Zulma, 18,00 € pièce.

dimanche 8 mai 2011

Gaël m pas “M. le président”…

“Avec ce livre, je n'ai pas l'intention d'ajouter une pierre à toutes celles qui font déjà tas autour de Nicolas Sarkozy comme sur un terrain de lapidation”…
Et si, dès la quatrième de couverture, tout était dit ?… Et si sous couvert d'égratignures au demeurant fortes inoffensives on tentait de nous faire croire à l'avènement du Sarkozy nouveau ?… Et si sous couvert d'être le rédacteur en chef d'un magazine pas franchement tendre avec le président, F.O. Giesbert ouvrait le bal de la déferlante littéraire inhérente à chaque élection présidentielle en nous fourguant du Sarko 2.0 ?…
Un livre Canada Dry. Ce n'est peut-être pas de la pub, mais ça en a en tout cas l'odeur, la couleur et la saveur… Dommage pour F.O. Giesbert qui signe là quelque chose qui ressemble plus à une commande qu'à un livre. À moins qu'il n'ait quelque chose à se faire pardonner par le petit Nicolas…
À vrai dire, Giesbert est bien meilleur quand il nous raconte Mitterrand ou Chirac. Pas quand il rend compte d'une anecdote historique (“Que restera-t-il de Sarkozy quand les vers nous aurons tous mangés ? Sans doute pas grand chose, à l'aune du siècle. L'image d'un homme qui court après un train qu'il va rater”).
À feuilleter avec un Coca light bien frais en hommage au pensionnaire de l'Élysée qui préfère ce breuvage au Château Latour que l'auteur se proposait de lui faire goûter lors d'un dîner.
“M. le Président”, F.O. Giesbert, Éd. Flammarion, 19,90 € pièce.

jeudi 28 avril 2011

Gaël m “Françoise”…

Nom : Gourdji… Prénom : Léa France…Née le : 21 septembre 1916 à Lausanne, Suisse…
Voilà pour les formalités administratives. Car par-delà cette brève fiche d'identité se cache une personnalité sol y sombra… Femme éblouissante qui fut tour à tour, dactylo de Gide, scripte de Pagnol et Renoir, journaliste au tout nouveau Elle, dénicheuse de talents, défricheuse d'idées (on lui doit le terme de “nouvelle vague”), engagée dans la lutte pour la décolonisation et contre la torture en Algérie, militante de la cause des femmes, co-fondatrice de l'Express et chroniqueuse au Nouvel Obs, première femme à la tête d'un hebdo, bourreau de travail en quête de perfection qui pouvait passer une journée entière à ré-écrire son édito avant de l'envoyer au marbre, auteur du “Bon plaisir” aux éditions Mazarine (!!!!), secrétaire d'état sous Giscard… Mais aussi femme de l'ombre avec ses fêlures et ses vérités tronquées. Une femme du siècle dernier qui dut assumer la disparition précoce d'un père absent, l'humiliation de se vivre en parent pauvre d'une famille aisée, la perte d'un fils, le déchirement amoureux, la dépression, le suicide, l'amour propre qui lui fit commettre des erreurs et une judéité occultée qu'elle finira par révéler au seuil de la mort.
Plus qu'une bio, le portrait d'une femme moderne entre ombre et lumière qui dessine les lignes de force d'une vie plutôt que de s'attarder ou remuer “un misérable petit tas de secrets”…
À déguster avec un Tom Collins (4cl de Bombay dry gin, 3cl de jus de citron, un trait de sucre de canne à compléter par de l'eau gazeuse).
“Françoise”, Laure Adler, Éd. Grasset, 22,00 € pièce.

Gaël m pas “Cristal Défense”… et encore moins “La face cachée des miroirs”.

De petits chapitres montés cut… Des personnages stéréotypés taillés à la serpe… Des entreprises plongées dans la guerre économique… Des campagnes de désinformation et des intérêts menacés… Des sabotages et du chantage… Des espions, des saboteurs, des barbouzes et des hommes de l'ombre… Une agence de sécurité économique où se déverse le flux continu des CNN, Fox News, Al Jazeera et autre LCI… Une directrice d'officine qui, entre deux réunions, scrute les écrans de surveillance d'Heathrow et Charles de Gaulle… Des OGM et une guerre dont l'enjeu est la suprématie alimentaire… Des relents plus ou moins nauséabonds de complot universel… Tels sont les ingrédients des deux premières saisons de cette série littéraire, ersatz de “24 heures” à la française qui n'en a ni le goût, ni la saveur. Dommage. D'autant plus qu'Aristee me rappelle une world company grâce à laquelle j'ai pu goûter aux crayfishes sud-africains…
À feuilleter avec un bidon de Roundup 3 Plus 540ml.
“Cristal défense” & “La face cachée des miroirs”, Catherine Fradier, Éd. Au Diable Vauvert, 20,00 € pièce.

samedi 23 avril 2011

Gaël m “Tu verras”…

Loin des maisons avec des tuiles bleues, des croisées d'hortensias et des palmiers plein les cieux, cette dernière livraison de Nicolas Fargues nous emmène au pays des pourquoi, des comment et des à quoi bon. Comment être père aujourd'hui et “savourer ce miracle banal” de l'enfant en vie, de l'enfant qui grandit ?… À quoi bon ces heures passées à lui reprocher sa tenue, ses jeans trop grand portés sous la ceinture, ses caleçons apparents, son langage de djeunes et son peu d'intérêt pour les visites au musée ?… Pourquoi tous ces fais-pas-ci-fais-pas-ça, ces ne-parle-pas-la-bouche-pleine, ces tiens-toi-bien-à-table-et-ne-réponds-pas-à-ton-père ?… À quoi bon les “c'est pour ton bien que je dis ça” quand on pourrait tout simplement consacrer son temps à l'aimer ?… Par-delà les reproches et les tentatives d'éducation se posent les vraies questions. Que donner ou laisser à nos enfants ? Que leur transmettre et comment vivre avec eux ? Comment non pas vouloir leur bien mais simplement les aimer bien ? Comment accepter d'un enfant qu'il grandisse, qu'il a lui aussi droit à sa part de liberté et d'émancipation ? Au fond, Nicolas Fargues ne nous pose qu'une seule question… “C'est bizarre l'amour parental. Aimer son enfant, est-ce aimer un autre que soi ou bien continuer de s'aimer soi-même, mais sans s'accabler de la mauvaise conscience d'être égoïste ?”…
Un texte éblouissant. 208 pages fortes comme la mort…
À déguster sans rien car l'essentiel se suffit à lui-même.
“Tu verras”, Nicolas Fargues, Éditions P.O.L, 15,50 €.

jeudi 14 avril 2011

Gaël m “Maestranza”…

Un jour, a las cinco de la tarde, j'ai emmené ma fiancée à la Real Maestranza de Caballeria de Sevilla après un détour par la bodeguita Hijos de Morales (Calle Garcia de Vinuesa)… Un autre jour, cette même fiancée, entre temps devenue une inconditionnelle de Castella, a eu la bonne idée de m'offrir un livre sur ce temple du “temple” andalous. Car ici l'on torée, contrairement à Madrid où l'on travaille. Un temple où Zocato aimerait tant mourir en regardant une corrida… Une plaza où certains ne venaient que pour une demie-véronique de Curro Romero… Un ruedo où votre voisin de droite a été peone et votre voisine de gauche concierge du matador du jour… Une arène où le silence vaut toutes les broncas de toutes les arènes du monde… Bref, un bien joli livre de photos sur ceux qui se jouent la vie et ceux qui les regardent en communiant avec eux…  
À déguster avec un verre de manzanilla La Guita pour la soif et un autre de fino La Ina pour la route.
“Maestranza”, Aitor Lara, Éditions Real Maestranza de Caballeria de Sevilla, Muséo Taurino Shop (954212080).

Quelques photos d'Aitor Lara en guise de mise en bouche…









samedi 9 avril 2011

Gaël m “Ce que j'appelle l'oubli”…

60 pages et une phrase…
Comme une fulgurance, un souffle. Un souffle coupé et trop vite éteint par des vigiles au milieu des boîtes de conserve, sur la dalle de ciment d'une réserve de supermarché. Un souffle étouffé pour avoir bu une bière sans payer. 60 pages pour dire le prix d'une vie et le souvenir. 60 pages pour ne pas oublier qu'un jour de décembre 2009 une personne y a laissé sa vie à La Part-Dieu...
À déguster avec une Kro à la santé de nos amis les vigiles.
“Ce que j'appelle l'oubli”, Laurent Mauvignier, Éditions de Minuit, 7
,00 €.

lundi 4 avril 2011

Gaël m pas “La carte et le territoire”…


Il y a des jours comme ça où je me lève en me disant : “Mon p'tit Gaël, arrête d'être con, fais preuve d'ouverture d'esprit”… Ce jour-là est arrivé il y a peu de temps. Je me suis donc habillé et précipité chez mon libraire préféré (Librairie du Tramway, 92 Rue Moncey, Lyon 3ème) pour acheter… (roulements de tambour) le dernier Houellebecq !!! Car, je dois l'admettre, entre le p'tit Michel et moi, les rapports sont plutôt tendus. C'est vrai que depuis “Les particules” et “L'extension du domaine de la lutte” j'ai démissionné, ne ratant jamais une occasion de railler celui qui se rêve en Céline 2.0 et qui n'est au final qu'une Enid Mary Blyton au masculin (créatrice de “Oui-Oui” et du “Club des cinq”). Mais bon, ce jour-là, particulièrement bien disposé, j'avais décidé de dépasser mes vulgaires préjugés. D'autant plus que son dernier ouvrage lui avait valu une critique dithyrambique dans Les Inrocks (“Roman total, bilan de l'état du monde, labyrinthe métaphysique sidérant de maîtrise”…) et le Goncourt 2010 accessoirement. Armé de bonnes intentions à son encontre et d'une margarita de derrière les fagots, j'entamai donc la lecture de cet hypothétique chef-d'œuvre que j'achevai quelques heures plus tard. Résultat, encéphalogramme plat. Rien, que dalle, nib, même pas le début d'une érection. Ce qui selon certains, dont je tairai le nom par bienveillance, se promettait d'être une réflexion sur l'art, l'argent et la notoriété s'est révélé être aussi palpitant qu'une enquête de Derrick. C'est dire... Non content de s'incarner en artiste, enquêteur, chien et solitaire n'attendant plus rien du genre humain, le p'tit Michel ose se mettre en scène et imaginer sa propre mort. Loin de moi l'idée d'être grossier ou vulgaire, mais comme le disait un autre Michel : “Les cons ça osent tout, d'ailleurs c'est à ça qu'on les reconnaît”… Bref, une chose est sûre, si le p'tit Michel a réussi à décrocher le dernier Goncourt, c'est à l'usure, pas au talent. Fin de la discussion.
À oublier très vite avec une autre margarita (45 cl. de téquila reposado José Cuervo, 15cl. de Cointreau, 15cl. de citron, 15 cl. de citron vert et un trait de sucre de canne)
“La carte et le territoire”, Michel Houellebecq, éd. Flammarion, 22
,00 €.

dimanche 3 avril 2011

Gaël m pas “Le léopard”…


Si Harry Hole, son alcoolisme et ses démons sont bien de retour, il semblerait que Jo Nesbo se soit perdu en route. Quelque part entre Hong-Kong, Oslo, Bergen et le Congo… Tant ces incessants déplacements n'apportent pas grand chose à l'histoire. Tant le thème de la chasse au serial-killer semble vu et re-revu. Tant le rapport au père mourant, l'évocation récurrente de son ex et l'idylle avec son inspectrice relèvent plus du cliché que d'autre chose. Tant on sait que Harry Hole a du mal avec la vie en général et les autres en particulier qu'il semble un peu vain de nous le répéter à chaque fois… Tant les références au “Bonhomme de neige” sont nombreuses et encombrantes. Tant on a le sentiment, après 760 pages, d'un Jo Nesbo en manque d'inspiration. Si cela devait être une suite au précédent opus, c'est raté. Dommage et un peu chiant comme un jour de pluie sans gin-tonic...
À déguster avec un verre (ou plus) de Jim Beam pour se consoler de ce rendez-vous manqué…
“Le léopard”, Jo Nesbo, éd. Série Noire Gallimard, 21
,00 €.

vendredi 1 avril 2011

Gaël m “La blessure, la vraie”…


La Vendée avant le tsunami et Philippe de Villiers… Bégaudeau dit les blessures de l'enfance, les angoisses de l'adolescence, le regard de l'autre, Madonna touched for the very first time, les chaussettes Burlington, la peau grasse, l'acné, les tee-shirts improbables d'Ivan Lendl, l'obsession du pelotage, l'urgence du dépucelage, le “Final Countdown” d'Europe, les premiers poils pubiens et les premiers joints, les amours d'un été dont on se souvient toute sa vie, les doutes, la peur de ne pas y arriver, le mystère des filles, les canons et celles que l'on tripote un soir de bal sur la plage, les parties de babyfoot, la connerie des mecs entre eux, le rêve d'un autre monde, d'une terre moins terre à terre, la France des années 80 (lire à ce sujet le premier roman de Gaëlle Bantegnie chez Gallimard)… Bref, Bégaudeau raconte celui ou celle que l'on a été un jour ou l'autre…
À déguster avec un Cacolac bien frais…
“La blessure, la vraie”, François Bégaudeau, éd. Verticales, 1
9,00 €.

dimanche 27 mars 2011

Gaël m “Little Big Bang”…


Mazel tof ! On connaissait l'humour juif en général, moins celui de la jeune garde littéraire israélienne. C'est aujourd'hui chose faite avec cette fable. À partir d'un régime amaigrissant à base d'olives, et d'un olivier qui pousse dans l'oreille de celui qui tente de perdre du poids, sont évoqués la Shoah et ses survivants, les rapports homme/femme, l'amour maternel, les palestiniens, les colons et les territoires occupés. Rien que ça. Mais derrière cette fable décalée où l'auteur aborde bon nombre de sujets d'actualité se cache un récit qui prête à sourire voire à franchement rire. À travers cette famille israélienne moderne et cet olivier “colon” qui pousse en territoire étranger se dessine une société empreinte de convictions et de contradictions. Une société en mutation qui commence peut-être à comprendre qu'il serait grand temps d'accepter l'autre aussi différent et éloigné de nous soit-il...
À déguster avec un Mont Hermon blanc du plateau du Golan (toujours occupé par Israël malgré la condamnation du Conseil de sécurité des Nations Unies)…
“Little Big Bang”, Benny Barbash, éd. Zulma, 17,5
0 €.